40

DEJAGORE
(anciennement Couve-Tempête)

Ce soir, intra-muros.

Ce soir-là, intra-muros, ça a été quelque chose, en dépit de ces bouffées d’insatisfaction qui me rongeaient de plus en plus. Je ne me suis endormi qu’après l’aube. Un clairon m’a réveillé. La première chose que j’ai vue en ouvrant les paupières, c’est une grosse saleté de corbeau noir qui nous regardait, Madame et moi. Je lui ai balancé ce qui m’est tombé sous la main.

Nouveau coup de clairon. J’ai trébuché jusqu’à une fenêtre. Puis me suis hâté jusqu’à une autre. « Madame. Debout. On a des ennuis. »

Les ennuis arrivaient des collines au sud sous la forme d’une nouvelle armée ennemie. Mogaba avait déjà fait ranger nos hommes en formation. Sur le rempart méridional, Clétus et ses gars pilonnaient la caserne, mais pas à feu assez nourri pour empêcher la troupe ennemie de se préparer au combat. Les citadins sortaient en masse de chez eux et se pressaient vers la muraille pour observer.

Il y avait des corbeaux partout.

Madame a jeté un coup d’œil et lancé sèchement « Habillons-nous », sur quoi elle m’a aidé à revêtir mon armure. Je l’ai aidée pour la sienne.

J’ai fait remarquer, à propos de mon costume : « Ce truc commence à puer.

— Tu n’auras peut-être plus à le porter longtemps.

— Hein ?

— Cette troupe qui descend des collines doit représenter tout ce qu’il leur reste d’hommes en armes. Écrase-les et la guerre sera terminée.

— Sûr. Sauf pour trois Maîtres d’Ombres qui ne l’entendront pas de cette oreille. »

Je me suis rapproché de la fenêtre et j’ai plissé les paupières. J’ai cru remarquer un point noir qui flottait parmi les soldats. « On n’a plus personne de notre côté, maintenant. Peut-être que je n’aurais pas dû me précipiter, pour Trans’.

— Tu as agi comme il fallait. Il avait atteint ses objectifs. Il se serait peut-être même allié aux autres contre nous. Il n’avait aucune dent contre eux.

— Tu connaissais leur identité ?

— Pas le moins du monde. Juré. J’ai commencé à la suspecter il y a un jour ou deux. Mais ça me paraissait trop improbable pour t’en parler.

— Allons-y. »

Elle m’a embrassé – un baiser porteur d’un gros hoump. Nous avions fait du chemin… Elle a coiffé son heaume et s’est muée en cette sinistre créature du nom d’Ôte-la-Vie. J’ai opéré ma transformation magique et je suis devenu Endeuilleur. Les quidams de la population grouillante de Couve-Tempête – j’ai supposé qu’on débaptiserait la ville une fois l’ordre rétabli – nous ont regardés enfiler les rues avec de la crainte et du respect.

Mogaba est venu à notre rencontre. Il amenait nos chevaux. Nous sommes montés en selle. J’ai demandé : « Alors, comment ça s’annonce ?

— Je ne peux pas dire pour l’instant. Avec deux batailles à notre actif et deux victoires, je dirais que nous sommes mieux trempés. Mais ils sont drôlement nombreux et je doute qu’il vous reste beaucoup de ruses dans la manche.

— Exact sur ce point. Je m’attendais à tout sauf à ça. Si ce Maître d’Ombres utilise son pouvoir…

— N’en parlez pas aux hommes. On les a prévenus qu’ils seraient peut-être confrontés à des événements étranges. On leur a dit de ne pas en tenir compte et d’accomplir leur boulot. Vous voulez réutiliser les éléphants ?

— Tout. Tout ce qu’on aura sous la main. Cette bataille décidera sans doute de la guerre. Si on gagne, on débarrasse Taglios de cette plaie et on s’ouvre la voie du Sud. Ils n’auront plus d’armée à nous opposer. »

Il a grommelé. C’était le quitte ou double.

Nous nous sommes rendus sur le terrain. J’ai aussitôt dépêché une escouade d’estafettes un peu partout, la plupart pour battre le rappel de mes terrassiers armés. Nous allions avoir besoin de chaque épée.

Mogaba avait déjà envoyé la cavalerie en opération de reconnaissance et de harcèlement. Un type bien, décidément, ce Mogaba.

Les corbeaux semblaient s’amuser follement à toiser tous ces préparatifs de spectacle.

Le Maître d’Ombres, là-bas, n’avait pas l’air pressé. Il a fait descendre ses hommes des collines et les a rangés en formation malgré ma cavalerie, puis il a envoyé ses propres cavaliers à la poursuite des miens. Otto et Hagop auraient peut-être pu les vaincre, mais je leur avais donné consigne de ne pas essayer. Ils sont juste revenus, entraînant dans leur sillage l’ennemi qu’ils aiguillonnaient à coups de flèches avec leurs arcs courts. Je voulais qu’ils offrent un peu de repos aux bêtes avant le gros du combat. Nous n’avions pas assez de montures de rechange pour nous autoriser une véritable campagne de cavalerie.

J’ai observé un moment quelques hommes qui regroupaient les captifs au fur et à mesure de leur arrivée, puis les envoyaient prendre position devant la porte de la caserne. En dépit des armes récupérées la veille et au cours de la nuit, la moitié d’entre eux partaient les mains nues. Ils n’étaient ni entraînés ni aguerris, mais déterminés.

J’ai commandé à Clétus et ses frères de déplacer l’artillerie de façon à pouvoir opérer des tirs de barrage et bombarder la porte de la caserne.

Je me suis tourné vers la nouvelle armée. « Mogaba. Des idées ? » À vue de nez, ils étaient quinze mille. Ils paraissaient au moins aussi compétents que ceux que nous avions affrontés au gué de Ghoja. Pas des cracks, mais pas des amateurs non plus.

« Non.

— Ils n’ont pas l’air avides d’en finir.

— Vous le seriez à leur place ?

— Pas si j’avais un Maître d’Ombres. Et l’espoir qu’on vienne à eux. Qui a des suggestions ? »

Gobelin a secoué la tête. Qu’un-Œil a déclaré : « Les Maîtres d’Ombres sont la clé. Il faut les éliminer si on veut avoir une chance.

— Ben voyons, t’en as d’autres dans le même genre ? Holà, messager, approche un peu. » J’avais une idée. Je lui ai donné l’ordre de trouver un Nar et de l’envoyer en ville avec mission de rassembler un millier de captifs en armes et de les masser à la porte occidentale de la cité. Lorsque le combat commencerait, il attaquerait la caserne par l’arrière.

C’était déjà ça.

Madame a dit : « Qu’un-Œil a raison. » Je crois que l’admettre lui faisait mal. « Et on aura intérêt à se concentrer sur celui qui est valide. Ce serait le moment pour une illusion. » Elle a expliqué son idée dans les grandes lignes.

Dix minutes plus tard, je commandais à notre cavalerie de repartir, d’asticoter l’adversaire et d’entraîner sa cavalerie à sa poursuite pour voir jusqu’à quel point le Maître d’Ombres entendait intervenir personnellement.

J’espérais de tout cœur que les captifs sauraient contenir les soldats ennemis dans la caserne.

Il a fallu une demi-heure à notre cavalerie pour faire sortir le Maître d’Ombres de ses gonds. Pendant ce temps-là, Qu’un-Œil et Gobelin ont concocté la grande illusion de leur carrière.

Ils ont commencé par recomposer le fantôme de la Compagnie qu’ils avaient utilisé dans le Nord pour capturer les bandits – ce pour des raisons sentimentales, mais aussi parce que ça leur facilitait la tâche de réutiliser quelque chose de connu. Ils ont déployé cette phalange face à l’armée ennemie, derrière moi, Madame et l’étendard.

Alors j’ai fait aligner les éléphants sur un large front, en les dotant chacun d’une équipe de soutien composée de dix de nos meilleurs et plus farouches combattants. On aurait dit que nous possédions un troupeau gigantesque de ces pachydermes, leur nombre ayant été triplé par illusion. Je pensais que le Maître d’Ombres ne serait pas dupe. Mais qu’importait ? Ses hommes se feraient berner, or c’est eux que je voulais effrayer. Le temps que la vérité se sache, il serait trop tard.

Croise les doigts, Toubib.

« Prête ? ai-je demandé.

— Prête », a répondu Madame.

La cavalerie a battu en retraite, juste à temps. Le Maître d’Ombres commençait à exprimer son courroux. J’ai saisi la main de Madame un instant. Nous nous sommes penchés l’un contre l’autre et nous nous sommes murmuré ces trois mots que tout le monde, par gêne, se refuse à dire en public. Vieux croûton que je suis, je me sentais bizarre en les prononçant, quand bien même j’étais sûr qu’une personne seulement pouvait m’entendre. Élégie de ma jeunesse révolue où je pouvais les susurrer et les penser cœur et âme pendant une heure.

« D’accord, Murgen. On y va. » Madame et moi avons brandi nos épées, flamboyantes. Les légions se sont mises à scander : « Taglios ! Taglios ! » Et ma brigade fantôme s’est mise en marche.

Vache de mise en scène ! Tous ces éléphants m’auraient inspiré une trouille bleue si je m’étais trouvé en face.

Où diable avais-je été pêcher cette idée qu’un général doit mener ses troupes en les précédant ? Quelques milliers d’entre nous montaient à l’attaque de quinze mille adversaires…

Des flèches nous ont accueillis. Elles n’ont causé aucun dommage aux illusions. Elles ont glissé sur les éléphants de chair et d’os. Elles ont rebondi sur Murgen, Gobelin, Qu’un-Œil, Madame et moi parce que nous étions défendus par des sortilèges de protection. Avec un peu de chance, notre apparente invulnérabilité déstabiliserait l’ennemi.

D’un signe, j’ai commandé qu’on force le pas. Le front ennemi a frissonné en anticipant le heurt de tous ces éléphants. Certaines formations se sont désagrégées.

Il était temps que le Maître d’Ombres réagisse.

J’ai ralenti. Les éléphants grondants m’ont doublé en barrissant. Ils ont pris de la vitesse et d’un coup ont tous dévié pour foncer droit vers le Maître d’Ombres.

On mettait le paquet pour un seul bonhomme.

Il a compris qu’il était la cible de la charge alors que les éléphants se trouvaient encore à une centaine de mètres. Ils convergeaient vers lui pour le piétiner.

Il a lâché tous les sortilèges qu’il avait préparés. Pendant dix secondes, on aurait dit que les cieux s’effondraient et que le terrain entrait en éruption. Des éléphants et des morceaux d’éléphants ont volé comme des jouets.

Toute la ligne de front ennemie chancelait, maintenant. J’ai entendu les ordres de charger de nouveau pour la cavalerie, de continuer d’avancer pour l’infanterie.

Les éléphants survivants ont cerné le secteur où flottait le Maître d’Ombres.

Une trompe l’a saisi et projeté à dix mètres de haut, les quatre fers en l’air, tournoyant. Il est retombé entre de massifs flancs gris, a poussé un hurlement et rejailli dans les airs de nouveau, peut-être mû par son propre pouvoir. Une volée de flèches l’a transformé en pelote : les vélites qui suivaient les éléphants le tiraient comme à la parade. Certaines flèches l’ont même traversé de part en part. Il continuait d’émettre des sortilèges tous azimuts comme pour un bouquet de feu d’artifice, mais ne semblait plus agir que par réflexe.

J’ai ri et me suis rapproché. Nous tenions ce fumier et toute son engeance. Mes prouesses en tant que général resteraient exemplaires.

Murgen se trouvait sur place quand le Maître d’Ombres a exécuté sa troisième pirouette dans le ciel. Il a embroché le fils de pute avec sa lance à l’atterrissage.

Le Maître d’Ombres hurlait. Dieux, ce qu’il pouvait hurler. Il gesticulait comme un insecte emmanché à une épingle. Son propre poids l’a fait descendre le long de la hampe jusqu’à la barre transversale soutenant l’enseigne.

Murgen s’efforçait comme il pouvait de maintenir l’aplomb de la lance et de sortir de la presse. Nos hommes étaient ses pires ennemis. Tous les archers continuaient de tirer sur le Maître d’Ombres.

J’ai talonné ma monture pour m’approcher de Murgen et je l’ai aidé à se dégager avec son trophée. Le salopard ne lançait plus aucun sortilège, désormais.

Les légions en marche scandaient leur chant taglien à pleine gorge.

Otto et Hagop ont déboulé dans le chaos devant la légion de Mogaba. Un chaos à vrai dire plus limité que je l’avais espéré. Les soldats ennemis venaient de se rendre compte qu’on s’était joué d’eux, même s’ils n’avaient pas encore eu le temps de se remettre en formation.

Ils avaient absorbé la charge d’éléphants et de cavalerie au prix de lourdes pertes, mais ils se refusaient manifestement à fuir. Otto et Hagop ont tourné bride avant que les légions n’arrivent, mais les éléphants sont restés dans la mêlée. Tout aussi bien. Ils étaient incontrôlables. On les avait lardés de tant de coups de lance, d’épée et de flèches que la douleur les rendait fous. Ils piétinaient maintenant tout le monde sans distinction.

J’ai crié à Murgen : « Exhibons-le en haut de ce monticule, que tout le monde voie qu’on l’a eu. » Le monticule en question, un de ceux qui parsemaient la plaine, se trouvait à une centaine de mètres.

Nous nous sommes frayé un chemin à contre-courant de l’infanterie, puis nous avons gravi l’éminence et nous sommes tournés face à la bataille. Nous avons dû conjuguer nos efforts pour maintenir l’étendard debout tant le Maître d’Ombres gigotait, hurlait et se convulsait.

L’amener là était un bon choix tactique. Ses gars constataient la perte de leur arme principale alors même qu’ils se faisaient sévèrement dérouiller. Quant aux miens, ils n’avaient plus à se soucier de lui. Ils se sont mis à l’ouvrage avec la ferme intention d’en avoir fini pour la pause de midi. Hagop et Otto ont pris le mors au dent et contourné l’ennemi pour l’assaillir dans son dos.

Ça m’a fait pester. Je ne voulais pas qu’ils s’éloignent autant. Mais il était trop tard pour les retenir.

Stratégiquement, notre position n’était pas des meilleures. Les troupes dans la caserne ont senti se lever le vent de la défaite et décidé qu’il était grand temps de passer à l’action.

Ils sont sortis en force, menés par leur Maître d’Ombres estropié qui flottait à la va comme je te pousse mais a néanmoins lancé deux ou trois sortilèges meurtriers. Les captifs en armes ont commencé à paniquer.

Clétus et ses frères ont ouvert le feu depuis le rempart et pilonné le Maître d’Ombres numéro deux. Ils l’ont esquinté un peu et mis dans une belle rage. Du coup, il a tout arrêté et leur a balancé un sortilège qui les a soufflés du rempart, eux et leurs machines. Puis il est reparti à la tête de sa troupe pour s’en prendre à nous.

Ses hommes n’ont pas réussi à se ranger en formation, pas plus que les captifs en face, si bien que la lutte a vite dégénéré en une grosse empoignade confuse au corps à corps.

Les gars massés à la porte occidentale se sont lancés à l’assaut de la caserne par l’arrière et ont enlevé les remparts sans trop de peine. Ils ont massacré les blessés, les gardes et tous ceux qui se trouvaient sur leur chemin, mais leur succès n’a pas eu d’incidence sur le reste de la bataille. Les soldats de la caserne restaient concentrés sur nous.

Je devais faire quelque chose.

« Il faut trouver un moyen de planter ce truc », ai-je dit à Murgen.

J’ai balayé le tohu-bohu du regard avant de mettre pied à terre. Je ne voyais Madame nulle part. J’avais le cœur dans la gorge.

La terre du monticule était molle et humide. Grognant, ahanant, nous avons réussi à enfoncer la hampe assez profondément pour qu’elle tienne toute seule, oscillant quand, par à-coups, le Maître d’Ombres se contorsionnait en hurlant.

Les captifs cédaient devant la poussée sur leur flanc. Les moins courageux se sont débandés vers la porte la plus proche de la ville pour rejoindre ceux de leurs congénères qui n’avaient pas eu le cran de sortir. Ochiba a tenté d’étendre et de faire pivoter sa ligne de front pour contrer l’attaque, avec un succès limité. Les hommes de Sindawe, moins disciplinés, avaient commencé à rompre les rangs dans leur impatience à déborder l’ennemi qui leur faisait face. Ils n’avaient pas conscience de la menace sur leur droite. Seul Mogaba avait su maintenir l’ordre et la discipline dans sa troupe. Si j’avais eu un tantinet de jugeote, j’aurais interverti sa légion avec celle d’Ochiba avant le combat. Là où il était, il ne servait pas à grand-chose. Il taillait en pièces toute l’aile droite ennemie, certes, mais il n’empêchait pas le reste de partir à vau-l’eau.

J’avais la méchante sensation que ça tournait à l’aigre.

« Je ne sais pas quoi faire, Murgen.

— Je ne vois pas ce que tu pourrais faire maintenant, Toubib. À part croiser les doigts et tenir bon. »

Des feux d’artifice ont éclaté dans le secteur d’Ochiba. Pendant un moment, ça a pétaradé si fort que j’ai cru que la situation pourrait se renverser. Gobelin et Qu’un-Œil étaient à l’œuvre. Mais le Maître d’Ombres estropié a réussi à les contrecarrer.

Qu’est-ce que je pouvais lui opposer ? Que faire ? Rien. J’avais épuisé toutes mes réserves.

Je ne voulais plus regarder.

Un corbeau solitaire s’est perché sur le Maître d’Ombres secoué de spasmes, tout en haut de la hampe de l’étendard. Il a posé son regard sur lui, puis sur moi et enfin sur la bataille, et a émis un son pareil à un gloussement amusé. Puis il a donné de petits coups de bec sur le masque du Maître d’Ombres pour essayer de trouver ses yeux.

J’ai ignoré le volatile.

Des hommes sont passés devant moi à toutes jambes. Ils appartenaient aux légions de Sindawe ; il s’agissait essentiellement de captifs enrôlés les jours précédents. Je me suis époumoné en invectives, en insultes ; je les ai traités de poltrons et leur ai ordonné de faire demi-tour et de reprendre leur place. La plupart ont obéi.

Hagop et Otto ont chargé les adversaires d’Ochiba, espérant sans doute lui faciliter la tâche pour qu’il les écrase et se retourne contre ceux de la caserne. Mais se sentir attaqué par-derrière a stimulé l’ennemi qui a foncé droit devant. Tandis qu’Otto et Hagop avaient la partie belle, les hommes qu’ils étaient en train de tailler en pièces enfonçaient les lignes d’Ochiba et venaient prendre les captifs armés en tenaille.

La légion d’Ochiba s’est efforcée de tenir, même dans ces conditions, mais elle paraissait en très mauvaise posture. Les hommes de Sindawe l’ont crue sur le point de détaler et ont décidé de la battre à la course. Ou quelque chose dans ce goût. Ils ont lâché pied.

Mogaba avait entrepris de modifier son axe d’attaque pour soutenir le flanc de Sindawe. Mais quand il a conclu sa manœuvre, il n’y avait plus personne à épauler.

À cet instant, sa légion formait l’unique îlot d’ordre dans une mer de chaos. Les ennemis n’étaient pas plus organisés que les nôtres. Cette bataille s’était transformée en gigantesque foire d’empoigne.

De plus en plus de mes hommes se repliaient vers les portes de la ville. D’autres couraient au petit bonheur. Campé sous l’étendard, je jurais, beuglais, agitais mon épée et ravalais un demi-litre de larmes. À la grâce des dieux, certains de ces idiots m’ont entendu, écouté, et sont venus grossir les rangs des fuyards que je raisonnais, réorganisais et renvoyais au combat en petits détachements serrés.

Des tripes. Depuis le début, on m’avait répété que ces Tagliens avaient des tripes.

De plus en plus, Murgen et moi offrions notre corps en rempart à l’étendard. De plus en plus, l’adversaire se concentrait sur Mogaba, dont la légion refusait de plier. Les cadavres d’ennemis s’amoncelaient autour de lui. Mais, manifestement, il ne nous voyait pas. Bien que harcelé de toutes parts, il a commencé à reculer vers la ville.

Murgen et moi avons rassemblé peut-être trois mille hommes avant que le sort ne décide de nous asséner un nouveau coup.

Une foule d’ennemis s’est ruée sur nous. J’ai pris la pose, l’épée brandie, près de l’étendard. Je ne faisais plus guère illusion. Si Gobelin et Qu’un-Œil étaient encore vivants, ils devaient être occupés à sauver leur peau.

Il m’a semblé qu’on pourrait les repousser sans trop de peine. Notre ligne était solidement verrouillée. Eux n’étaient qu’une masse hurlante.

Alors la flèche a jailli de nulle part et m’a percuté en pleine poitrine, me fauchant de ma selle.

 

Jeux d'Ombres
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